Data brokerage : allons-nous personnellement commercialiser nos données dans le futur ?
Aujourd’hui, on se pose une question qui aurait pu paraître absurde il y a quelques années : allons-nous un jour vendre nos données personnelles de notre propre chef ?
Sommaire
L’émergence du capitalisme de la surveillance ?
Dans une sorte de scénario à la 1984 ou à la Cyberpunk 2077, on voit apparaître de plus en plus d’applications qui permettent aux usagers eux-mêmes de valoriser leurs données personnelles et leurs comportements sur Internet.
On pense par exemple à WeWard qui permet de “gagner de l’argent en marchant”, à Facebook et son Projet Atlas, qui proposait à des usagers d’être payé pour participer à une étude sur leurs usages des réseaux sociaux via une compagnie satellite ou encore à ces applications qui vous proposent de répondre à des enquêtes en ligne contre de l’argent.
On a pendant longtemps recherché des moyens de se protéger de l’intrusion des GAFAM dans nos données personnelles, par exemple en cherchant des alternatives à ces géants du web, ou en se demandant qu’est-ce qu’un VPN et en installant l’un de ces outils essentiels à la protection de l’anonymat sur Internet. On vous parlait d’ailleurs déjà des questions d’utilisation des données par certaines applications en citant l’exemple de FaceApp ou de l’excellent documentaire Social Dilemna sortie fin 2020.
Cette tendance émergente de la commercialisation de données personnelles par les usagers eux-mêmes peut donc sembler surprenante. Elle vient à contre-courant de la récente mise en place du RGPD et il paraît légitime de se demander où elle va nous conduire.
Mais avant de se demander si la grande majorité des usagers d’Internet va un jour profiter de cette tendance à la commercialisation des données pour arrondir ces fins de mois, retour en arrière sur le domaine du data brokerage, ou courtiers en données en français, et sur la vente de données personnelles.
Qu’est-ce qu’un data broker
Un data broker, c’est une personne ou une organisation qui collecte des données en ligne et hors ligne dans un objectif de les commercialiser. Ils peuvent par exemple récupérer des informations sur les réseaux sociaux, grâce aux informations d’une carte de crédit, ou via l’historique d’un navigateur Internet. On distingue plusieurs types de data brokers.
Les brokers pour le marketing et la pub
Dans cette catégorie, on retrouve tous les individus et les organisations qui collectent des données personnelles dans le but de créer des profils d’usagers qui seront ensuite revendus à des annonceurs, ou des grandes entreprises commerciales, afin de mieux cibler ses potentiels clients. C’est par exemple le cas d’Oracle ou d’Acxiom LLC.
Les brokers spécialisés dans les informations financières
Ces agents récupèrent diverses informations afin de répondre aux besoins des banques ou des compagnies d’assurances. Ils viendront par exemple confirmer le profil d’une personne qui ferait la demande d’un prêt ou d’une assurance santé par exemple.
Les autres types de brokers
Certaines entreprises de data brokerage outre-Atlantique rassemblent même toutes les informations personnelles d’usagers d’Internet, comme leur adresse actuelle et passée, leur numéro de téléphone ou leur adresse email. Spokeo ou PeekYou permettent ainsi à n’importe qui d’effectuer une recherche dans une sorte d’annuaire géant en ligne, puis d’accéder à des fiches en ligne très précises monnayant quelques dollars.
Une pratique qui fait froid dans le dos, et qui nous donne envie de vérifier que notre VPN est bien en marche pour limiter la collecte de données !
Les types de données collectés par les data brokers
Quelles sont les données qui intéressent les data brokers ?
Dans les types des données rassemblées par les entreprises de data brokerage, on retrouve :
- Le nom et le prénom d’une personne
- Les adresses actuelles, ou les anciennes adresses
- Les numéros de téléphone
- Le revenu
- Le métier
- Les comportements d’achat en ligne
- Les derniers sites visités
- Les informations disponibles sur les profils de réseaux sociaux
Comment sont-elles rassemblées ?
Ces données sont collectées par les data brokers via :
- Les réseaux sociaux
- Les applications de jeux en ligne gratuites
- Les applications gratuites
- Des informations disponibles en ligne
- Des historiques d’achat
- Des historiques de navigation sur Internet
- Des cartes de fidélité
Et le data brokerage, c’est lucratif ?
La réponse est oui ! Facebook s’en vantait d’ailleurs, en affirmant que chacun de ses utilisateurs lui aurait rapporté la somme de 22 euros grâce à la publicité en 2018. Le marché des données personnelles et de l’échange d’informations est d’ailleurs évalué à environ 200 milliards de dollars, soit environ 169 milliards d’euros, en 2020.
Et vu le nombre d’investisseurs ou d’entreprises qui parient sur le marché des données personnelles, il y a de quoi s’inquiéter des profits engendrés par les échanges de nos données.
Vers une propriété individuelle des données ?
Dans ce cadre, on peut se demander si on ne va pas carrément vers un marché ouvert de la donnée personnelle. C’est d’ailleurs le pari d’applications comme WeWard, que l’on mentionnait dans notre introduction. Une fois l’application installée sur leur téléphone, les utilisateurs peuvent la laisser compter leurs nombres de pas et enregistrer leurs déplacements quotidiens. Plus ils marchent, plus ils gagnent d’argent, avec un maximum de 0,24 centimes d’euro par jour pour 20 000 pas.
C’est aussi le cas des applications d’enquêtes en ligne, qui permettent aux annonceurs de mieux cibler leurs potentiels clients. En rémunérant leurs usagers avec des bons cadeaux ou des points à échanger, ces applications affinent les profils utilisateurs pour un ciblage bien plus efficace.
Le marché de la donnée au niveau individuel est donc en train de se mettre en place, par des biais plus ou moins cachés. Une tendance à suivre et certainement à devancer, en protégeant son anonymat sur Internet et ailleurs.